J'vais péter le 31 ans et j'me cherche encore

J’ai jamais aimé ou voulu vieillir. J’voulais pas être grande. D’ailleurs j’le suis jamais vraiment devenue. J’aurais pu faire une manifestation pour arrêter le temps, mais j’pense pas que y’aurait eu ben des changements.

J’ai eu 30 ans. J’me suis offert mon premier appartement toute seule. Pas le gros luxe. Un demi-sous-sol dans Villeray. Des vieux meubles rachetés à l’ancien locataire. Des restants aussi du déménagement à maman. Aucune déco. Sauf les toiles d’araignées minuscules un peu partout. La règle chez nous? Je laisse la vie sauve à 1 araignée par pièce. C’est Fort Boyard inversé, c’est pu les araignées qu’on doit affronter, c’est eux qui doivent sauver leur peau.

C’pas le Hilton, mais ça tombe ben parce que j’pas Paris. Mais j’suis ben en criss dans mon nid. C’pas tout. J’ai eu une grosse année pareil; j’ai complété mon bac, fais mon dernier paiement sur ma Corolla, un boulot dans mon domaine m’est tombé du ciel, sans avoir à me faire chier à envoyer un seul CV (exploit!), j’ai visité le Costa Rica pis la fille qui devait me donner un bébé chat m’a jamais rappelé.

Ma vie va bien. Moi, j’vais moyen. J’suis dans un entre-deux. Je sais pas ce que je veux. Dans ma vie. Mon âge m’amène une tonne de questionnements. Des réflexions que j’affronte à temps partiel. Mais j’aime pas les réponses. Faque j’les enterre en faisant semblant qu’être une adulescente peut toffer encore un boutte.

J’suis à l’âge où j’me demande si je continue d’être comme j’suis ou si je dois changer pour avoir un mode de vie plus sain. Pis arrêter d’me réveiller de mes brosses en vomissant du sang pis du lait caillé. J’suis ce qu’on appelle festive, une bonne buveuse de boisson fraîche.  

Les gars veulent pas sortir avec les filles festives. Les boss veulent pas engager les employés festifs. Les mères veulent pas avoir une progéniture festive. Les enfants veulent pas être élevés par des parents festifs. Y’a juste les psys qui sont contents. On veut du monde drette avec de l’ambition qui savent où y s’en vont. Pas du monde qui sont prisonniers d’un monde de détour parce qui sont trop pétés. À 15 ans, on t’excuse en disant que tu traverses ta crise d’adolescence. À 18 ans, on dit que tu fais des expériences. À 30 ans, on considère sérieusement que t’as un problème de consommation.

Une journée sur deux, je feel bien là-dedans. Je vire une brosse. Mes lendemains de brosse se ressemblent. Je dors mal. J’essaie d’me convaincre que j’ai pas fait de marde pis que j’peux rester couchée. Pas capable. Me réveille. Ouvre les yeux. Cherche la bouteille d’eau. Mon cell. Mon portefeuille. Mes clés. Si j’ai tout ça, en bon état, c’est déjà une victoire en soi.

Mon pouls bat dans ma tête. Le cœur me lève. Mes dents collent sur mes lèvres sèches. La lèvre me fend, le sang me coule dans bouche. Le cœur me lève à un stade où le déni n’est plus une option. Va dans salle de bain. Part la douche. Me met à poil, tasse le rideau et va m’asseoir dans le fond du bain. L’eau est jamais assez chaude pour stériliser mes pensées.

J’me sens tellement coupable. J’feel coupable de me déchirer comme la jeune fleur que j’étais à 18 ans. Ma culpabilité englobe toute. J’scrap ma journée au complet, trop deg pour me bouger l’cul. J’ai sûrement trop dépensé quand j’devais déjà être chaude raide, comme si j’avais besoin des 3 derniers shots à 2h45. J’me demande qui j’ai envoyé chier et qui j’ai drunk texté. J’angoisse en me disant que j’t’en train de crisser ma vie en l’air, une brosse à la fois. Je survis chaque fois. Et j’oublie à quel point j’ai mal feelé, jusqu’à la prochaine fois.

On est dans une époque où y’a une apologie de la consommation d’alcool. C’est bien vu virer des brosses pis faire la fête jusqu’aux petites heures, surtout il faut bien tolérer l’alcool, sinon on est une vraie marde. Tu veux pas le dernier shot parce que t’es chaud? Criss que t’es plate. Tu fais février sans alcool. C’est quoi ton problème? Combien de personnes ont déjà dit qu’elles dateraient jamais quelqu’un qui boit pas. Un bon criss de paquet d’après moi.

Mais quand tu y penses, si tu avais le choix. Tu daterais le gars qui boit pas. Ou le gars qui met sans cesse des Instastory où ses amis y versent directement des shots dans yeule. Ce gars qui met aussi une photo de son late-night snack au McDo, avec son ami qui dort la face dans son Junior au poulet. Celui qui arrive toujours avec de nouvelles anecdotes de brosses, toujours fier de les partager avec toi, comme si c’était mieux qu’un doctorat.  Avant je savais la réponse, aujourd’hui je sais pu.

C’est ma fête cette semaine, je vais continuer de vivre dans le déni encore un petit peu.